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Les marges, moteur de l'inflation des prix à la production: un phénomène récent et d'ampleur limitée

- Les Echos, mars 2023

15/03/2023

Denis FERRAND

Les prix à la production ont augmenté de 9% entre 2021 et 2022 en France. Conséquence de la hausse de prix des matières premières importées, le coût des achats intermédiaires par unité produite a expliqué l'essentiel de cette hausse, tandis que les marges ont eu au contraire un effet modérateur sur les prix (-0,2 point). Ce schéma s'est renversé fin 2022, les marges unitaires devenant le premier moteur de l'inflation des prix de production (pour 0,8 point). Il faut cependant nuancer la portée de ce phénomène, à la fois récent et d'ampleur limitée, qui tient beaucoup à des effets de rattrapage.

Marges d'exploitation en France en % de la valeur de la production (graphique Rexecode)

Le 6 mars dernier à Dublin, Philip Lane, le chef économiste de la BCE a mis en avant la contribution des résultats des entreprises à l’inflation en zone euro. Une contribution supérieure à celle des salaires, attribuable aux secteurs ayant connu les désajustements les plus importants entre offre et demande en sortie de confinements et dont il anticipe qu’elle disparaîtrait une fois ces désajustements effacés.

Qu’en est-il en France ? La réponse n’apparaît pas aussi tranchée.

Les prix à la production ont augmenté de 9% entre 2021 et 2022 en France. Au niveau macroéconomique, les contributions à la formation des prix peuvent être isolées à partir des comptes nationaux, sachant toutefois que ces données retracent l’activité des branches sur le territoire national, et qu'elles sont susceptibles d’importantes révisions.

Les comptes nationaux permettent de distinguer quatre facteurs
d’évolution des prix à la production

1- Le coût des achats intermédiaires effectués par les branches, soit 56% de la valeur de la production des branches marchandes de l’économie en 2022 en France.

2- Les rémunérations des salariés tributaires des évolutions relatives des salaires et des gains de productivité (24%).

3- Les marges d’exploitation (18%).

4- Les impôts liés à la production, minorés des subventions reçues par les branches (2%).

Observer ces facteurs par unité produite permet d’estimer la contribution de chacun
à l’inflation au niveau de la production

• Le coût des achats intermédiaires a expliqué l'essentiel de la hausse de prix depuis 2019, comme sur l'année 2022.

1- La hausse du coût unitaire des achats intermédiaires a expliqué 80% de la hausse du prix de production. C'est plus que leur poids dans la valeur de la production.

2- Les salaires par unité produite ont expliqué 12% de la hausse de prix, moins que leur poids dans la valeur de la production.

3- L’évolution des marges par unité produite a contribué à atténuer la hausse du prix en 2022 (-0,2 point).

• Au dernier trimestre 2022, ce classement s’est inversé, en faveur de la rémunération des facteurs et principalement des marges

1- Les marges unitaires sont passées largement en tête (62%) et ont apporté 0,8 point d’inflation.

2- Les coûts salariaux unitaires ont vu leur contribution augmenter pour atteindre 33%.

3- Le coût unitaire des consommations intermédiaires n’a expliqué que 9% de la hausse du prix de production avec la détente de nombreux prix de matières premières,

Le rôle récent des marges dans la hausse des prix est patent en France
mais doit être nuancé. Trois observations

- La hausse du prix de production a ralenti à 1,2% au 4e trimestre 2022, soit moitié moins que sa hausse moyenne des quatre trimestres précédents. La contribution des marges est certes plus forte, mais sur une hausse du prix plus faible.

- La hausse des marges est en partie liée à un effet de rattrapage. Les hausses antérieures des coûts de production étant reportées avec retard sur les prix de production. Certains coûts ayant ralenti, il pourrait en aller à nouveau de même des prix de production et des marges.

- La part des marges d’exploitation dans la valeur de la production n'a pas encore retrouvé son niveau moyen des années 2010. Elle est remontée à 18,4% de la valeur de la production des branches marchandes contre 19,5% en moyenne lors de la décennie 2010.

En conclusion, s’il est patent, le rôle des marges dans la hausse des prix procède d’un phénomène de rattrapage. Il est récent et reste d’une ampleur limitée. En tout état de cause, cette décomposition des contributions à la hausse des prix sera à surveiller étroitement au cours des prochains mois.

Chronique de Denis Ferrand

parue sur le site des Echos le 16 mars 2023
sous le titre: Les marges et les prix : quels ordres de grandeur ?

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