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Repères

Repères de politique économique

Des notes d'actualité sur la politique économique et la transition écologique

Cette série de notes publiques vise à nourrir le débat sur la politique économique et la transition écologique.

Plus courts et en lien direct avec l’actualité que les Documents de travail, les Repères s’attachent à éclairer le débat en formulant des réponses originales aux questions économiques du moment, étayées par des données précises.

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France - Stimuler les salaires grâce aux gains de productivité

- N.8, octobre 2023

12/10/2023

Olivier REDOULES

Malgré une accélération en 2022, les salaires du secteur privé ont crû moins fortement que l'inflation depuis 2019 en France. Pourtant, cette perte de pouvoir d'achat du salaire ne s'est pas accompagnée d'une déformation du partage de la valeur ajoutée au détriment des salariés. La principale explication à ce paradoxe se trouve dans la baisse de la productivité moyenne du travail de près de 5% depuis 2019. Cette dernière résulte pour une grande part de la dynamique des créations d'emploi dans des secteurs plus intensifs en main d’œuvre et pour des profils de travailleurs relativement moins qualifiés, tels que les apprentis.

Localisation sectorielle et nature des emplois créés entre 2019 et mi-2023 France (graphique Rexecode)

Depuis 2019, les salaires du secteur privé ont crû moins fortement que les prix à la consommation, malgré une nette accélération en 2022 qui a particulièrement concerné les plus bas salaires.

Au-delà du SMIC, les négociations salariales au sein des branches et des entreprises ont conduit en 2022 à une accélération progressive du salaire mensuel de base (SMB° qui correspond au salaire brut hors primes. Les négociations qui se sont tenues fin 2022-début 2023 confortent cette dynamique pour 2023, avec des hausses négociées proches de 5% en moyenne. Cependant, les salaires sont en retard sur l'inflation. Il en résulte une perte moyenne de pouvoir d’achat de 1,5 point au deuxième trimestre 2023 pour l’ensemble des salariés des secteurs non agricoles. Elle concerne principalement les cadres (-2,9 points), alors qu’elle a été très limitée pour les ouvriers et employés (-0,4 point).

Mais, pour la globalité des secteurs, cette perte de pouvoir d’achat ne s’accompagne pas d’une déformation du partage de la valeur ajoutée au détriment des salariés. La part des salaires moyen par tête (SMPT, incluant toutes les composantes de la rémunération) dans la valeur ajoutée contribue positivement à leur évolution globale (+0,3%), et de manière plus prononcée dans plusieurs secteurs.

L'enrichissement de la croissance en emploi, et des embauches plus dynamiques dans les secteurs moins productifs, expliqueraient 80% de la perte de productivité française et, par conséquent, de la perte de pouvoir d’achat du salaire moyen par tête correspondante.

La principale explication se trouve dans la baisse de la productivité moyenne du travail, d’environ 5% depuis 2019. Celle-ci résulterait, pour environ 80%, de l’évolution de la composition de la main d’oeuvre. Les créations d’emploi ont eu lieu principalement dans des secteurs relativement moins productifs, tout en bénéficiant à des profils relativement moins qualifiés (dont les apprentis). En outre, plusieurs secteurs sont confrontés à des pertes de productivité liées à des transformations importantes de leur activité, en lien notamment avec la transition écologique, la crise énergétique et l’évolution de leurs marchés mondiaux.

Un second facteur d’explication tient à l’origine de l’inflation. Le choc de prix importés s’est diffusé très vite dans les prix à la consommation, et plus lentement dans la valeur ajoutée des entreprises. Certains secteurs disposent de marges limitées pour augmenter leurs prix et, ce faisant, les salaires.

Au-delà des effets récents de composition des créations d'emplois, le ralentissement des gains de productivité est une tendance lourde, qui laisse augurer d'une faible progression des salaires réels moyens par tête. Ces constats interrogent sur les leviers à activer pour redynamiser les gains de productivité, premier déterminant du pouvoir d’achat des salaires.

Les écarts de salaires entre secteurs et entreprises encouragent la mobilité professionnelle. La dynamique de réallocation des travailleurs vers les entreprises les plus productives est un levier puissant de gains de productivité qui peut être encouragée par le dialogue social au niveau des branches et des entreprises.

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Fiscalité élevée, aides hétéroclites aux entreprises: l'efficacité du modèle français interroge

- Juillet 2023

12/07/2023

Olivier REDOULES
Jade FAUDEMER

Les multiples dispositifs dits "d'aide aux entreprises" en France sont soumis à divers objectifs de politique publique, quand ils ne financent pas directement des entreprises ou services publics. Pour autant, même après déduction de ces aides, les prélèvements obligatoires sur les entreprises restent plus élevés en France que dans la plupart des pays européens. Les mesures compensatoires ou incitatives ciblées sur les bas salaires, la R&D, des secteurs ou territoires, etc., allègent le fardeau pour certaines entreprises, quand d'autres et non des moindre pour l'activité économique, dans l'industrie ou les services qualifiés en particulier, pâtissent de prélèvements plus élevés.

France - Estimation des aides publiques aux entreprises en 2019 (France Stratégie, CLERSE) tableau Rexecode

La notion d'aides aux entreprises recouvre tout dispositif ayant une incidence sur les comptes publics susceptible de bénéficier à des entreprises. Il peut s'agir de subventions, de crédits d'impôts, de réductions d'impôts ou de cotisations, ou encore de participations financières. Divers rapports les ont recensées pour en estimer le montant. Deux évaluations récentes portent sur l'année 2019. Dans son rapport sur les politiques industrielles (2020), France Stratégie en définit quatre périmètres, pour des montants allant de 139 à 223 Md€. Une estimation du CLERSÉ (2022), aboutit à un montant de 208 Md€.

Les montants agrégés des "aides aux entreprises" varient selon les définitions retenues, recouvrent des dispositifs hétéroclites et pas systématiquement dédiés aux entreprises privées

Les écarts entre les estimations montrent que le recensement des aides et montants associés dépendent fortement de la définition retenue, c’est-à-dire du type de dispositif considéré et de la norme prise en référence. Nous précisons dans ce Repères les dispositifs concernés, ainsi que leur impact en termes de compétitivité et de partage de la valeur. Très hétérogènes, certains dispositifs relèvent de l'intervention directe de l'Etat dans la production. D'autres, comme les taux réduits de TVA, bénéficient en partie aux consommateurs. Ils visent aussi divers objectifs de politique publique (R&D, décarbonation, insertion, compétitivité, territoires, etc.).

Le poids des prélèvements fiscaux et sociaux, nets des aides, est plus élevé pour les entreprises en France que dans la plupart des pays européens

Rapportés à la valeur ajoutée des entreprises, les prélèvements nets des subventions, sont plus élevés en France qu'en Allemagne (avec un écart de 125M€ en 2019 soit 9% de la v.a., ramené depuis à 99Md€), en Espagne, en Italie ou aux Pays-Bas. Une partie de l’écart s’explique par les cotisations sociales qui contribuent à mieux rémunérer le travail en France. L’autre partie vient des impôts nets des subventions d’exploitation et à l’investissement.

Les aides aux entreprises n’ont pas conduit à une déformation du partage de la valeur entre rémunération du capital et des salariés

La progression des aides aux entreprises n'a pas conduit à un déséquilibre en faveur des apporteurs de capital. A l’inverse, la part des salaires a augmenté depuis 30 ans alors que celle des prélèvements a fluctué autour de sa valeur actuelle. Les aides aux entreprises ont donc seulement permis de stabiliser le poids des prélèvements nets, et non de le baisser.

Les aides opèrent une forme de redistribution entre entreprises, pas forcément favorable à l'activité et à la production en France

Certaines entreprises bénéficient davantage des aides publiques, notamment, celles qui emploient des travailleurs à bas salaires, conduisent des activités de R&D, ou relèvent de secteurs bénéficiant de taux réduits de TVA (bâtiment, restauration, logement social), etc.

D'autres entreprises, moins aidées, sont en conséquence pénalisées par un poids de prélèvements supérieur à la moyenne européenne. C'est le cas en particulier des entreprises industrielles et de certains services recourant à de la main d’œuvre qualifiée.

Entre prélèvements élevés sur l’appareil productif et aides bénéficiant à certaines entreprises, le modèle français est source de complexité et de distorsions. Il mérite d’être interrogé à l’aune de l’objectif global de maximisation de la production économique en France.

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