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Législatives 2024 - Le chiffrage des programmes ne remplace pas l'analyse économique

- Les Echos, juillet 2024

02/07/2024

Denis FERRAND

Classique des campagnes électorales, le chiffrage des programmes est présenté comme un gage de "sérieux budgétaire". Il ne remplace pourtant pas, voire contredit, l'analyse économique. Le sentiment de perte de pouvoir d'achat est ainsi bien réel en France, mais la réponse par la dépense publique ignore les véritables moteurs du niveau de vie que sont l'activité, la santé des entreprises et l'investissement, l'offre de main d'oeuvre et de logements, ou encore l'éducation. Plus que de nouvelles dépenses, ils exigent surtout de meilleures politiques publiques.

Photo Arnaud Jaegers, Unsplash

Dans la foulée du rapport sur la situation des finances publiques françaises publié fin 2005, l’Institut de l’Entreprise, alors présidé par Michel Pébereau, avait pris l’initiative salutaire de chiffrer les programmes présidentiels de 2007. Cette pratique s’est poursuivie dans l’idée de rapprocher autant que possible le débat électoral de la réalité économique et budgétaire.

Malheureusement, le chiffrage des programmes n’évite ni la mauvaise gestion
des deniers publics, ni les atteintes au tissu productif.

 

Malheureusement, le chiffrage des programmes n’évite ni la mauvaise gestion des deniers publics, ni les atteintes au tissu productif. Qui se rappelle par exemple que le programme fiscal de François Hollande pour l’élection présidentielle de 2012 était impeccablement chiffré ? - à l’évaporation des bases fiscales près et sans jamais faire état de son caractère anti-économique.

Les économistes qui contribuent aux programmes les plus radicaux arguent que la capacité à chiffrer une mesure vaudrait quitus. Mais apprécier la pertinence de programmes à l’aune des montants en jeu ne dit rien de la réaction de l’économie aux chocs. De sorte que le chiffrage est devenu soit le hochet des naïfs, qui ne comprennent pas la véritable nature du populisme, soit l’arme des cyniques, qui ne l’ont que trop bien comprise et acceptée.

Dans cette campagne législative, notre situation économique est rarement prise en compte par les débatteurs. C’est d’autant plus important que le sentiment de crise qui persiste en France n’est pas partagé par tous nos voisins. Certains voient déjà le bout du tunnel et sont en phase d’accélération. Le risque de déclassement de notre pays est donc plus aigu que jamais.

• Investissement en berne, défaillances d'entreprises en hausse: ne manquons pas ces signaux d'alerte

On ne l’écrit pas assez, l’investissement des ménages dans la construction est en chute de 13% par rapport à son point haut de 2021. Cela ne pourra qu’accentuer à terme la pénurie de logements et donc l’accélération des prix dans les zones tendues, laquelle contribue fortement au sentiment de recul du niveau de vie.

On ne l’évoque pas assez, l’investissement des entreprises a déjà calé et les défaillances d’entreprises se sont envolées, bien au-delà de leur niveau d’avant la Covid et même de leur pic de 2008-2009. C’est sur la dégradation de ces deux indicateurs majeurs, signe de la fragilité du tissu productif, que devraient porter le regard et les efforts à venir.

• Le pouvoir d'achat: une vraie question, mais des solutions souvent trompeuses

La question du pouvoir d’achat est bien réelle, mais la façon dont elle est appréhendée dans la campagne est problématique. Loin de se résoudre par davantage de redistribution, de partage du revenu ou d’endettement public, la progression du pouvoir d’achat se façonne dans l’activité, dans la création de revenu.

La pénurie de main-d’œuvre reste un frein majeur à l'activité des entreprises, à rebours de l’idée selon laquelle il faudrait “partager” plus encore le travail ou rétablir la retraite à 60 ans, comme de celle de bloquer toute immigration


C’est bien plutôt d’emploi que nous devrions parler. Depuis 2017, la France a créé 2 millions d’emplois nets. Des emplois dont le statut s'est amélioré avec notamment une progression des CDI et un recul relatif des CDD. De sorte que la pénurie de main-d’œuvre reste un point dur de la réalité quotidienne des entreprises, à rebours de l’idée selon laquelle il faudrait “partager” plus encore le travail ou rétablir l’âge de départ en retraite à 60 ans.

La diminution de la quantité de travail disponible, comme le risque de repousser la main-d’œuvre étrangère, aggraveraient les tensions sur le marché du travail, renchériraient le coût du travail et contraindraient notre capacité d’offre et donc de formation de pouvoir d’achat.

Mais il faut aussi comprendre pourquoi cette performance en matière d’emploi n’a pas empêché la formation d’un ressenti très fort de perte de pouvoir d’achat. Cette question ouvre sur l'enjeu des compétences générales et des niveaux de qualification des emplois créés dans un pays qui se caractérise par le recul relatif de ses performances en matière d’éducation.

Là sont les vrais sujets, ceux qui ne requièrent pas davantage de dépenses publiques, mais plutôt de meilleures politiques publiques. À la différence de l’analyse économique, le chiffrage n’en dit mot.

Reprise de "Chiffrer n'est pas analyser", chronique de Denis Ferrand, Les Echos du 2 juillet 2024

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