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De la baisse du chômage au plein emploi, la France a encore du chemin à parcourir

- Les Echos, mai 2023

22/05/2023

Denis FERRAND

Alors que le taux de chômage est tombé à 7,1% en début d’année 2023, l'horizon du plein-emploi se dessinerait-il enfin en France? Pas tout à fait. D’abord, parce que la norme retenue par l’OIT pour définir une situation de plein emploi est de 5% de chômage. L'Allemagne y est, pas encore la France. Ensuite et surtout, parce qu'il faut aussi tenir compte de la qualité et de l'ampleur de l’insertion de la population dans l’emploi, y compris celle des seniors et des moins qualifiés. La comparaison avec l'Allemagne donne une idée du chemin à parcourir: 3,6 millions de personnes en emploi supplémentaires ou 3,1 millions en tenant compte de la structure par âge de la population.

Taux d'emploi France, Allemagne (graphiue Rexecode)

La décrue du taux de chômage se poursuit depuis huit ans en France. D'un point haut à 10,5% de la population active, il est tombé à 7,1% au début de cette année 2023. L'horizon du plein-emploi se dessinerait-il enfin après plus de quatre décennies de chômage de masse ?

Encore faut-il bien préciser ce que recouvre le plein-emploi. Son acception la plus simple renvoie à la norme retenue par l'Organisation internationale du travail d'un taux de chômage qui s'établirait à 5% de la population active. A cette aune, à taille de population active inchangée, le nombre de chômeurs BIT dépasse de 650.000 personnes le seuil qui qualifierait la France d'économie au plein-emploi.

Le taux de chômage ne suffit pas à mesurer la distance au plein-emploi. Il faut aussi prendre en compte la qualité et l'étendue de l'insertion de la population dans l'emploi.

Le "sous emploi" subi est en net recul

Sur le premier point, certaines personnes peuvent être sous-employées dès lors qu'elles occupent un emploi à temps partiel ou qu'elles sont au chômage partiel mais qu'elles souhaitent travailler plus. A 41% de la population active, cette proportion est toutefois au plus bas niveau jamais relevé par cet indicateur tiré de l'enquête emploi de l'Insee.

De même, s'il reste élevé, le nombre de personnes qui se retrouvent dans le halo autour du chômage, à savoir des personnes considérées comme inactives mais qui souhaiteraient un emploi sans pour autant être disponibles pour le saisir ou qui n'en recherchent pas, tend à refluer depuis un point haut touché avant la pandémie de Covid-19.

Le taux d'activité atteint un record mais reste 6 point en dessous de celui de l'Allemagne, et le taux d'emploi inférieur de 9 points. A structures de population identiques, c'est 3,1 millions de personnes en emploi en moins en France

Qualifier le plein-emploi comme la situation où le chômage serait à 5% de la population active revient implicitement à supposer une stabilité du taux d'activité (soit la proportion du nombre d'actifs, qu'ils soient en emploi ou au chômage, au sein d'une population donnée). Or, celui-ci peut varier fortement à la fois dans le temps et en comparaison internationale.

Le taux d'activité s'inscrit à 73,6% de la population âgée de 15 à 64 ans en France en 2022, un record depuis 1975 et le début du calcul de cet indicateur. Il est cependant inférieur de 6 points au niveau en vigueur en Allemagne, une économie qui remplit le canon de l'OIT d'un chômage à 5%. L'examen combiné des taux de chômage et d'emploi est à privilégier pour construire une référence de plein-emploi.

Un peu moins de 9 points séparent le taux d'emploi en France en 2022 (68,2% des 15-64 ans sont en emploi) de celui relevé en Allemagne (76,9%). Ce faisant, la population en emploi est inférieure de 3,6 millions en France à cette cible de taux d'emploi. En prenant en compte les différences de structures de la population par catégories d'âge, l'écart est ramené à 3,1 millions de personnes en emploi en moins.

La France se distingue par une faible inclusion des 60-64 ans et des personnes les moins diplômées, qui devraient être les cibles prioritaires d'une politique du plein emploi

Le taux d'emploi en France est inférieur à celui relevé en Allemagne pour toutes les catégories d'âge. Toutefois, un tiers de cet écart vient de la seule différence de taux d'emploi des personnes âgées de 60 à 64 ans alors que cette classe d'âge compte pour 10% des 15-64 ans. Si les taux d'emploi des 60-64 ans en France étaient identique à celui de l'Allemagne, 1,2 million de personnes supplémentaires seraient en emploi.

La France se distingue aussi par une faible inclusion relative des personnes à bas niveau relatif de formation initiale. Le taux d'emploi des personnes titulaires au maximum du brevet des collèges est de 39% en France contre 54% en Allemagne. Si le taux d'emploi de cette population rejoignait celui de l'Allemagne, le nombre d'emplois serait accru de 1,3 million en France. 37% de l'écart vis-à-vis de l'Allemagne serait alors comblé alors que cette catégorie de personnes représente 20% des 15-64 ans.

C'est ainsi en visant prioritairement les bataillons des seniors et des personnes les moins formées qu'une politique de retour ou de maintien dans l'emploi rapprochera la France du plein-emploi.

Chronique de Denis Ferrand parue dans Les Echos du 22 mai 2023 sous le titre Quelle distance sépare encore la France du plein-emploi ?

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