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Malgré les aides publiques, les prélèvements sur les entreprises restent excessifs en France

- Les Echos, juillet 2023

17/07/2023

Olivier REDOULES

Les "aides aux entreprises", dont le montant est estimé à environ 200 milliards d'euros pour l'année 2019 en France, recouvrent des dispositifs hétéroclites et leur périmètre peut être sujet à débat. La plupart visent des objectifs de politique publique (emploi, notamment peu qualifié, innovation, logement, environnement, outremers, etc.) et bénéficient davantage à certaines entreprises ou certains secteurs. Si d'aucuns jugent leur montant excessif, il faut rappeler que ces aides viennent atténuer, mais non annuler, l'écart entre les prélèvements obligatoires supportés par les entreprises en France et dans les grands pays européens.

Poids des prélèvements obligatoires sur les entreprises dans l'UE en 2019 (Graphique Rexecode)

Les "aides aux entreprises" évoquées dans le débat public se rattachent généralement à des objectifs de politique publique, pour lesquels les entreprises sont les instruments de leur réalisation.

Malgré ces "aides", les prélèvements nets sur les entreprises restent nettement plus élevés en France que chez nos voisins et sont globalement stables dans le temps. Elles viennent en fait atténuer, pour les entreprises bénéficiaires, mais non annuler, un niveau de prélèvements global excessif au regard de nos partenaires européens.

L'examen des dispositifs derrière les montants des aides aux entreprises soulève des questions de définition et de périmètre

Faut-il considérer les subventions à des entreprises publiques (SNCF, France Télécom, France Télévisions, Radio France) dans le champ des aides aux entreprises? Quid des taux réduits de TVA qui bénéficient aux clients comme aux salariés de la restauration, de la rénovation de logements, des outremers, des associations, de la culture? Quid aussi des prêts à taux zéro ou des exonérations d'impôts des sociétés de HLM? Les dépenses fiscales dites déclassées comme le régime fiscal entre une maison mère et ses filiales visant à éviter une double imposition doivent-elles encore être prises en compte, dès lors qu'elles sont entrées dans le droit commun pour des raisons d'harmonisation avec nos voisins européens ? Enfin, pour 2019, faut-il encore compter le CICE, alors qu'il s'agit de remboursements au titre des années précédentes, ou seulement les allègements qui s'y sont substitués ?

La plupart des dispositifs classés sous ce vocable "d'aides aux entreprises" se rattachent en fait à un objectif de politique publique pour lequel les entreprises sont les instruments de leur réalisation : soutien à l'emploi, notamment peu qualifié, à l'innovation et à la recherche, au logement, aux énergies renouvelables, à l'agriculture, au cinéma, au sport, aux outremers, etc.

Les entreprises en France supportent des prélèvements nets plus élevés qu'ailleurs malgré les aides

L'évocation des montants agrégés d'aides sous-entend généralement qu'ils seraient excessifs. Mais ces derniers doivent être rapportés aux prélèvements supportés par les entreprises. En 2019, les sociétés non financières et financières françaises s'acquittaient de 22,7 points de valeur ajoutée de prélèvements nets des aides. Il s'agit du pourcentage le plus élevé des dix plus grands pays de la zone euro.

Si les entreprises françaises s'acquittaient du même taux de prélèvements qu'en Allemagne en 2019, elles économiseraient 125 milliards d'euros. Après les baisses d'impôts entrées en vigueur ou annoncées depuis 2019 (baisse du taux de l'IS et des impôts de production, suppression de la CVAE), l'écart avec l'Allemagne baisserait à 100 milliards d'euros.

Par ailleurs, l'octroi d'aides d'un montant de plus en plus important en raison de l'accroissement des objectifs de politiques publiques ne s'est pas accompagné d'une déformation du partage de leur valeur ajoutée en faveur des apporteurs de capital. Au contraire, depuis trente ans, la part de la rémunération des salariés dans la valeur ajoutée a plutôt eu tendance à croître, et celle du capital à s'éroder.

Les prélèvements élevés sont défavorables à la compétitivité française et les dispositifs d'aides n'arrangent pas forcément les choses

Le modèle combinant des prélèvements globalement élevés sur les entreprises, et des aides bénéficiant à certaines d'entre elles, lorsqu'elles contribuent à des politiques publiques, mérite d'être interrogé à l'aune des objectifs de compétitivité et de croissance. Le poids élevé des prélèvements sur la valeur ajoutée s'accompagne d'une attrition de celle-ci qui est visible notamment pour l'industrie, plus exposée à la concurrence internationale.

Certains dispositifs créent des distorsions, en subventionnant certaines activités ou facteurs de production au détriment d'autres, par exemple l'emploi non qualifié par rapport à l'emploi qualifié. La multiplication des dispositifs est source de complexité mais aussi d'instabilité. Toute proposition de réduction des aides doit alors être examinée au regard du système de prélèvements dont elles ne sont bien souvent qu'une mesure dérogatoire, rattachée à un objectif de politique publique.

Chronique d'Olivier Redoulès

parue dans Les Echos du 17 juillet 2023 sous le titre "Malgré les aides aux entreprises, des prélèvements excessif".

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