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Revue N°63 - 2ème trimestre 1999

- 2ème trimestre 1999

01/06/1999

Editorial : L'euro apportera-t-il à l'Europe une croissance « à l'américaine » ?

L'euro renforce les chances de la croissance en Europe. Lors d'une enquête sur les freins à l'investissement conduite il y a à peine quelques trimestres (revue de Rexecode n° 57, supplément), la plupart des responsables interrogés avaient mentionné l'incertitude des changes et des taux d'intérêt comme un frein important à l'investissement. Ce frein est en partie levé car l'euro élargit le champ de la stabilité monétaire à une vaste zone économique. La probabilité pour un chef d'entreprise européen qui travaille avec plusieurs clients étrangers de voir l'un de ses contrats perturbé par un mouvement de change a sensiblement diminué grâce à l'euro.
L'euro fait aussi franchir une étape nouvelle à la concurrence, notamment dans les secteurs financiers et des services. Il stimule les initiatives de réorganisation du secteur productif. Les restructurations entraînent le plus souvent dans un premier temps une contraction des moyens de production et elles peuvent être vécues plutôt comme une menace. Mais l'histoire comme l'analyse économique montrent que l'accroissement de la productivité est un facteur de renforcement potentiel de la croissance économique.
Encore faut-il que la croissance potentielle se transforme effectivement en croissance réelle. Pour cela, l'Europe a de nouveaux efforts à faire afin de lever les obstacles structurels à la croissance.
L'un d'entre eux est la part trop élevée du secteur géré sur la base de normes publiques. La gestion publique n'est pas inefficace en soi.
Mais l'incitation au changement et à l'élimination des gaspillages y est faible parce que le stimulant de la concurrence est absent.
Le second obstacle est la trop grande disparité des régimes réglementaires sociaux et fiscaux. En théorie, si tous les marchés étaient parfaits, une zone monétaire pourrait fonctionner avec des régimes sociaux et fiscaux dans différents territoires. Mais si certains marchés sont relativement rigides et fragmentés, ce qui est évidemment le cas, les disparités de structures des coûts risquent d'entraîner des distorsions de concurrence et du chômage qui sont des freins à la croissance. On a en outre beaucoup parlé avant l'euro des avantages à attendre de la baisse des coûts de transaction. L'argument peut être transposé aux systèmes fiscaux et sociaux. La multiplicité des réglementations crée des coûts d'appropriation et d'information élevés, peutêtre plus importants que les coûts de transactions monétaires, qui seraient diminué par une convergence des systèmes sociaux et fiscaux.
Une troisième question essentielle concerne les bases technologiques et l'innovation. Les Etats-Unis ont un dollar unique depuis longtemps. Or, ils ont connu des périodes de croissarice modeste et des périodes de croissance forte. La différence entre ces périodes a peu à voir avec la monnaie. Elle s'explique essentiellement par des moments plus ou moins favorables dans l'environnement institutionnel et dans l'intensité de l'innovation technologique et de sa diffusion dans l'économie.
L'expérience de 1998 montre que la croissance est la clé de l'emploi, de l'investissement et de la confiance. Il est donc légitime et souhaitable de viser une croissance forte" à l'américaine". Mais il faut aussi être conscient de ce que l'Europe et les Etats-Unis ne convergent pas actuellement. Leurs taux de croissance, qui s'étaient temporairement rapprochés à la mi-1997, se sont écartés depuis. Les Etats-Unis restent sur une tendance proche de 4 % l'an. L'Europe est revenue sur une tendance voisine de 2 % l'an. Les situations structurelles de l'Europe et des Etats-Unis sont aussi très différentes. Le total des dépenses publiques représente 49 % du PIB dans la zone euro contre 31 % pour les Etats-Unis. S'il est vrai qu'il existe aussi des écarts entre les Etats américains, le système fiscal et social est néanmoins très largement unifié aux Etats-unis alors qu'en Europe, les taux de prélèvements sur le travail vont de 30 % à
54 % selon les pays et les taux de prélèvement sur les autres facteurs de production vont de 15 % à 44 % selon les pays.
Enfin, s'il est vrai que les nouvelles technologies de l'information et de la communication jouent un rôle d'entraînement important dans la " nouvelle croissance", le gap européen reste de ce point de vue élevé. La zone euro représente environ les trois quarts des Etats-Unis en termes de produit intérieur brut, mais un peu moins de la moitié des Etats-Unis en termes de conception et de réalisation de logiciels et à peine plus de 40 % en termes de production de matériels relevant des technologies de l'information.
Pour retrouver la croissance en Europe, il fallait l'euro. Pour passer maintenant à la vitesse supérieure, il faut fixer de nouveaux objectifs: un programme d'allègement des prélèvements obligatoires et de la dépense publique, un projet de convergence fiscale, une ambition de renforcement de l'innovation et de l'offre compétitive.

Sommaire :
  • Perspectives économiques pour 1999-2000 - Perspectives de l'économie française
  • Tableaux annexes - Indicateurs des cycles conjoncturels

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