Avec une croissance tendancielle moyenne du PIB d'au mieux 1% par an d'ici 2030, deux menaces se profilent pour la France: l’impossibilité de répondre aux multiples attentes et besoins collectifs faute de ressources suffisantes, la dérive incontrôlée du déficit et de la dette publique. La France peut sortir de l’ornière dans laquelle elle s’est enlisée en mobilisant les quatre leviers clés d'une véritable politique de croissance: la productivité, l'épargne privée, la quantité de travail et la nouvelle industrialisation.

Une menace d’enlisement économique durable et conflictuel

Les attentes collectives augmentent (transition écologique, défense nationale, sécurité, services publics, pouvoir d’achat). La croissance économique est trop faible pour y répondre. Le supplément de PIB dégagé chaque année en France est de 30 milliards d’euros alors que les seuls besoins annuels d’investissements supplémentaires sont estimés à plus de 100 milliards d’euros.

La "politique de l’offre" initiée il y a un peu plus de dix ans (baisse des charges, droit du travail, fiscalité du capital) a freiné la perte de compétitivité et enrayé la désindustrialisation. Mais, en laissant en même temps dériver les déficits publics, elle bute désormais sur la menace d’un "effet boule de neige" (augmentation du déficit, de la dette, des charges d’intérêt et donc du déficit).

Le conflit entre objectifs souhaitables et moyens insuffisants conduit à des débats sans issue et une politique économique erratique.

Les scénarios économiques et budgétaires d'ici 2030

•    Un scénario tendanciel se traduirait par une croissance moyenne de 0,7% à 1,0% par an et un déficit public encore supérieur à 5 points de PIB en 2030. La dette publique atteindrait alors 130% du PIB. Aucun des problèmes actuels ne serait résolu.

•    Le scénario d’une forte baisse des dépenses publiques (l’hypothèse est 1,5% du PIB soit 45 milliards d’euros) amorcerait un recul du déficit public. Il conduirait aussi l’économie à une période déflationniste et récessive et à une croissance moyenne de 0,5% par an sur la période 2025-2030. L’écart entre les attentes collectives et les ressources disponibles augmenterait.

•    Un éventuel scénario de "choc fiscal" aurait des conséquences économiques plus défavorables. Il irait aussi à l’encontre d’un compromis social de croissance.

4 leviers pour un scénario de croissance souhaitable et possible 

Porter le taux de croissance potentiel de 1% à 2% par an permettrait de doubler le revenu national supplémentaire créé chaque année, de 30 à 60 milliards d’euros, de mieux satisfaire les attentes collectives tout en réduisant progressivement le déficit public en dessous de 3% du PIB. Quatre leviers pourraient être mobilisés pour renforcer l’économie

•    Renforcer la productivité par la recherche publique et privée, à travers la diffusion de l’innovation, la montée en compétences, la simplification réglementaire et le soutien ciblé aux secteurs technologiques.

•    Mobiliser l’épargne privée en créant des fonds d’investissement à capital garanti pour attirer une part suffisante de l’épargne des ménages vers le capital-risque et le financement des entreprises de croissance. Un potentiel de 100 milliards d’euros d’épargne pourrait être à terme ainsi mobilisé.

•    Augmenter la quantité de travail. Le volume total d’heures travaillées peut être augmenté à la fois par un ajustement de la durée moyenne du travail et par un nouveau relèvement progressif de l’âge de départ effectif en retraite, ce qui contribuerait à la fois à l’équilibre du système de retraite et à la croissance.

•    Investir dans la nouvelle industrialisation en accélérant les investissements dans les secteurs d’avenir, notamment la décarbonation, la digitalisation et, dans le contexte actuel, la défense, pour mieux positionner la France sur les chaînes de valeur mondiales.

Une vision cohérente et partagée est à construire collectivement. En concentrant l’effort sur la croissance, la France pourrait répondre à ses défis budgétaires, mais aussi aux besoins climatiques et sociaux, au bénéfice de tous. Il faut pour cela une réelle volonté de croissance.