Focus
Perspectives économiques à court terme
Quelques jours avant que Standard & Poor’s ne dégrade la note souveraine de la France, le Conseil d'analyse économique publiait un chiffrage de l’effort budgétaire à consentir pour stabiliser la dette publique française. Pour parvenir à cette consolidation de 112 milliards d’euros en six ans, dont 27 milliards en 2026, le CAE propose une sélection de mesures en dépenses, recettes et réformes structurelles mobilisables à court et moyen terme.
La dette publique française a progressé rapidement ces dernières années, passant de 109,8% du PIB en 2023 à 116,2% en 2025 selon la DG Trésor. La France emprunte désormais à un coût équivalent à celui de l’Italie, soit 3,5% pour le taux d’emprunt à 10 ans. Les charges d’intérêt passeraient de 1,9% PIB en 2023 à 2,2% en 2025. Pour éclairer le débat budgétaire, le CAE analyse dans un Focus publié le 16 octobre les conditions nécessaires à la stabilisation et à la soutenabilité de la dette, et identifie les leviers mobilisables.
Le scénario central du CAE retient une consolidation budgétaire en 6 ans qui permettrait de stabiliser durablement la dette française à 124% du PIB, et de ramener le déficit public sous 3% du PIB dès 2029. L’ajustement s'élèverait à 4,2 points de PIB, soit 112 milliards d'euros: 82 Mds pour stabiliser la dette et le reste pour se prémunir contre de potentielles futures crises.
"Plus l’effort est fait tôt, plus son impact sur la dette est important, ce qui limite les risques"
L’effort budgétaire serait plus important au début de la phase d’ajustement (environ 27 Mds€ en 2026) pour lisser l'effet de la consolidation et stabiliser la dette à un niveau plus faible.
Les auteurs réalisent, à partir d’une synthèse de la littérature disponible, un inventaire chiffré de 170 leviers budgétaires, qui représentent environ 108 Mds€ de mesures d’économies potentielles du côté des dépenses, 111,4 Mds du côté des recettes et 45 Mds sous forme de réformes structurelles.
Par exemple, côté recettes, relever de 1 point le taux de CSG et le taux normal de TVA ; rétablir l'impôt sur la fortune et augmenter la "flat tax". Côté dépenses, geler les pensions de retraite et mieux cibler les allocations familiales. Du côté des "réformes structurelles", supprimer l'abattement fiscal de 10% dont bénéficient les retraités ainsi que le taux de TVA réduit sur les travaux hors rénovation énergétique ; lutter contre la fraude fiscale et sociale.
Différents "cocktails" de mesures envisageables selon les choix politiques
"L’ajustement requis est réalisable, mais suppose de mobiliser simultanément de nombreux leviers — y compris des réformes dont les effets ne se matérialisent qu’au bout de plusieurs années". Cette étude, précise le CAE, a vocation à être enrichie au fil du temps, "à mesure que de nouveaux chiffrages et estimations plus robustes deviendront disponibles".
> Comment stabiliser la dette publique ?
Conseil d'analyse économique - Focus N°124, octobre 2025
Le détail des 170 mesures est téléchargeable au format Excel.
Un site réalisé par Mathieu Peruyero et reprenant les données collectées par le CAE permet de composer un "cocktail" de mesures pour atteindre les 112 Mds€ d’économies nécessaires à la stabilisation de la dette.
> Renchérissement des conditions de financement de la dette, progression tendancielle des dépenses publiques… Denis Ferrand, dans Finances publiques: où est la cote d’alerte ?, alertait en septembre dans une Lettre de Rexecode sur la soutenabilité de la dette publique française.
> Selon les perspectives économiques de Rexecode présentées le 17 septembre, la dette publique française atteindrait 116% du PIB en 2025 et 118,1% en 2026. Dans un contexte d’activité économique atone et de dégradation de la qualité de la signature française, "reprendre le contrôle de nos dépenses publiques est crucial", souligne Anthony Morlet-Lavidalie.
> Comme le déplore Denis Ferrand dans sa chronique des Echos du 20 octobre, Emploi et déficit public, la grande divergence, le système socio-fiscal français sanctuarise le bas de l’échelle des salaires et pénalise les emplois les plus qualifiés. De ce fait, la hausse du taux d’emploi a été significative en France depuis son point bas de 2014, mais n'a pas permis de créer suffisamment de richesse pour endiguer la dérive du déficit public.
> Dans sa note Plan Bayrou : un pas dans la bonne direction, Olivier Redoulès considérait que le plan présenté par François Bayrou, alors Premier ministre, le 15 juillet, constituait une première réponse pour stabiliser la dette et relancer la croissance en France. Il ne mobilisait toutefois qu’une partie des outils d’une stratégie efficace de croissance, et dans une ampleur réduite. Le déficit de quantité de travail, tant en taux d’emploi qu’en heures travaillées par personne en emploi, représente notamment plusieurs points de PIB mobilisables à long terme.
> L’économie française vit-elle au-dessus de ses moyens ? C’est la question à laquelle tente de répondre Denis Ferrand dans une Lettre de Rexecode de juin 2025.
> Anthony Morlet-Lavidalie analyse dans la Lettre de Rexecode d’avril 2025 la permanente fuite en avant budgétaire de la France, pays de la zone euro ayant subi la plus forte dégradation de ses comptes publics depuis la crise Covid.
> Denis Ferrand et Michel Cicurel proposaient dans Les Echos du 3 février 2025 un "deal" entre l'Etat et les retraités, en particulier les plus aisés d'entre eux : échanger l’économie de dépenses publiques associée à la moindre voire à la non revalorisation de leur pensions, contre un meilleur rendement de leur épargne grâce à la garantie publique du capital investi dans des entreprises.
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