Focus
Perspectives économiques à court terme
La Commission européenne a annoncé le 7 octobre des hausses de droits de douane qui toucheront les importations d’acier chinois pour protéger son industrie sidérurgique. "De bonnes décisions" selon Anthony Morlet-Lavidalie, qui pourraient néanmoins avoir un impact négatif sur des filières clé (matériels de transport, bien d'équipement). Pour préserver son industrie face à l'hypercompétitivité de la Chine, l'Europe doit adopter "une stratégie industrielle qui comprenne l'intégralité des chaînes de valeur."
La Chine pose au reste du monde un problème industriel majeur. D'abord, en raison de ses surcapacités. Elle inonde le monde de ses produits. Ensuite, parce qu'elle les vend à des prix défiant toute concurrence, grâce aux subventions publiques mais aussi sa productivité et ses formidables économies d'échelle dont elle profite en raison de sa taille.
Enfin, elle monte en gamme et entre désormais en concurrence frontale avec nos produits sur lesquels nous estimions avoir des positions de force. Face à la Chine, il n'y a pas de solution facile et magique. La Commission européenne avance lentement, en essayant de forger un consensus qui se révèle souvent fragile. Il faut se donner les moyens de répondre à Pékin.
Les hausses de droits de douane et l'instauration de quotas sur un secteur comme l'acier chinois sont de bonnes décisions mais n'oublions pas qu'elles auront des effets indésirables. En premier lieu, on risque des mesures de rétorsion de la part de la Chine qui sait très bien que l'Union européenne (UE) est morcelée, divisée en raison d'intérêts divergents. Nous sommes entrés dans une ère d'affrontement économique, mais nous agissons encore comme si les dividendes de la paix n'avaient pas été épuisés. Disons-le clairement: le multilatéralisme est en mort cérébrale.
Nos aspirations sont louables mais nous ne créons pas les conditions de leur réalisation. L'exemple de la production d'acier vert est frappant: on contraint l'appareil productif à se décarboner sans se préoccuper de la demande pour ce type de produit. Il faut avoir une véritable conception d'ensemble du marché afin d'éviter les impacts négatifs que peuvent engendrer des décisions pourtant vertueuses en apparence. L'UE doit en prendre acte, changer de logiciel et adopter des armes économiques crédibles.
C'est en effet l'autre point. Les décisions de la Commission auront nécessairement des répercussions dommageables sur toute la chaîne de valeur. Pour les industriels européens en aval, ceux qui utilisent de l'acier dans leurs produits finis, les quotas et les droits de douane constituent un choc de compétitivité négatif. Si nous voulons fabriquer des voitures seulement avec de l'acier européen, cela ne marchera pas car ces véhicules coûteront trop cher.
Nous risquons, dans quelques années, de nous retrouver dans une situation où les Européens n'achètent certes plus d'acier chinois mais ils importeront massivement des voitures chinoises. Or, les filières situées en aval de la sidérurgie, telles que les matériels de transport, les machines, les biens d'équipement, sont le cœur de la valeur ajoutée manufacturière en Europe. Il faut donc que l'UE adopte une vision d'ensemble, systémique, une stratégie industrielle qui comprenne l'intégralité des chaînes de valeur européenne.
Pas nécessairement. Il est par exemple souhaitable de ne pas protéger l'ensemble des aciers européens. Car ce n'est pas viable économiquement. Il faut se poser la question : quelle est la production européenne d'acier dont nous avons besoin pour alimenter les secteurs stratégiques, ceux dont nous estimons qu'ils ne doivent pas dépendre d'importations d'acier pour produire, comme la défense ?
Il est aussi possible de limiter l'accès au marché européen des produits chinois qui ne comportent pas un certain pourcentage de contenus locaux, européens, ce qui serait à la fois favorable à nos aciéristes et inciterait la Chine à développer de véritables unités de production en Europe. C'est d'ailleurs ce que fait Pékin sur son territoire avec les étrangers.
Il faut aussi mener des politiques économiques favorables à l'investissement. En 2024, l'investissement global représente 40% du PIB chinois mais deux fois moins aux Etats-Unis ou en Europe. Mario Draghi a raison : on ne maintiendra pas d'industrie en Europe sans investissements massifs.
Propos recueillis par Guillaume de Calignon
> Acier: "L'Europe doit se donner les moyens de répondre à la Chine"
Les Echos, 7 octobre 2025
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