Focus
Perspectives économiques à court terme
Le plan présenté par le Premier ministre le mi juillet pour stabiliser la dette publique et relancer la production en France offre une première réponse à la situation économique et financière qui a mené à la dissolution de juin 2024, et à la crise politique qui se poursuit. Le plan Bayrou ne mobilise toutefois qu’une partie des outils d’une stratégie de croissance efficace et manque à ce titre d'une véritable vision de moyen terme, comme lorsqu'il ignore les enjeux économiques et budgétaires de la transition écologique.
Le plan présenté par le Premier ministre, le 15 juillet 2025, constitue une première réponse à la situation économique et financière qui a conduit à la dissolution de juin 2024 et à la crise politique qui a suivi. Il dessine une perspective lisible alors que plus d’une entreprise sur deux repousse ou annule ses projets d’embauche ou d’investissement du fait de l'incertitude politique, et que chaque point de taux d’intérêt supplémentaire alourdit à moyen terme la charge de la dette de 33 Mds€s, soit de plus d’un point de PIB.
Il était urgent de tracer une perspective de sortie de crise préservant l'investissement et l’emploi, tout en respectant nos engagements européens et notre crédibilité face à nos créanciers
Avec une réduction du déficit public de respectivement 5,4% et 4,6% du PIB en 2025 et 2026, la France ferait un premier pas vers la stabilisation du poids de sa dette publique. L’atteinte de cet objectif nécessitera de fournir des efforts budgétaires additionnels, d’une ampleur équivalente à ceux annoncés pour 2026, durant les trois années suivantes.
Le plan Bayrou ne mobilise toutefois qu’une partie des outils d’une stratégie efficace de croissance et dans une ampleur réduite.
Le plan Bayrou affiche près de 30 milliards d’euros d’économies partagées entre les différents pans de la sphère publique (Etat, opérateurs, santé-social, collectivités territoriales, transferts sociaux). Il ne s'agit pas d'une baisse de la dépense en niveau absolu mais d'une hausse moindre que sa tendance, supposée très dynamique.
La dépense publique continuerait d’augmenter en valeur (+29Mds€, selon le Gouvernement), en volume (d’environ 0,3% selon nos calculs) et serait stabilisée en volume par habitant.
Les mesures avancées privilégient l'efficience et la productivité, ce qui devrait favoriser la croissance à moyen terme. Elles prévoient:
• Un effort d’efficience et de productivité dans la sphère publique, sachant que l’emploi public a progressé de 70% plus vite que la population ces 25 dernières années, notamment dans les collectivités territoriales.
• Une gestion plus efficace de la dépense de santé en responsabilisant les patients et les soignants.
• Une modération de la croissance des pensions de retraites, la France y consacrant davantage de ressources que la plupart des autres pays européens.
Plus que des mesures d’austérité, il s’agit là de mesures de productivité et d’efficience, qui devraient maintenir la production des administrations publiques tout libérant des ressources pour le reste de l’économie. L’impact sur la croissance serait positif à moyen terme compte tenu des gains de productivité opérés.
Le plan ne cède pas à la facilité délétère du choc fiscal, solution privilégiée pour consolider les finances publiques après la crise financière de 2008-2009 dont les cicatrices sont encore visibles: les prélèvements obligatoires restent, en 2025, plus élevés d’environ 2,2 points de PIB par rapport à 2010 malgré les baisses de prélèvements intervenues après 2017.
Pour autant, des hausses de prélèvements sont prévues en 2026. Elles pérennisent, voire peut-être augmentent dans une composition différente, la hausse de 25 Mds€ de 2024-2025. Leurs effets sur l’économie seront assurément négatifs.
• Le gel du barème de l’impôt sur le revenu des personnes physiques va aggraver la surfiscalité du travail qualifié.
• La contribution sur les hauts revenus, dont le principe serait pérennisé après une première mesure "exceptionnelle" en 2025, pénaliserait encore davantage les profils les plus qualifiés et talentueux de notre économie. L’alourdissement évoqué de la fiscalité assise sur les hauts patrimoines est un signal négatif quand notre pays manque d’investissement de long terme et de capital industriel.
• La suppression d’aides aux entreprises constituera une hausse immédiate de la fiscalité des secteurs concernés, alors que les bénéfices d’éventuelles mesures de simplification mises en regard interviendront probablement bien plus tard. Il aurait été préférable de compenser dès à présent ces suppressions par une baisse équivalente de la fiscalité pesant sur les entreprises, en particulier les impôts de production, notoirement pénalisants pour l’industrie, et de poursuivre l’alignement de la fiscalité des entreprises françaises sur leurs concurrentes européennes.
Plusieurs mesures auront un rendement incertain, à commencer par les mesures d’économies de dépenses. Les montants d’économies effectivement réalisés seront dépendants de l’inflation et de la croissance. Un point d’inflation ou de croissance en moins réduirait le rendement des économies de près de 0,3 à 0,5 point de PIB.
Or, le scénario macroéconomique du Gouvernement, sans être exagérément optimiste, semble manquer de prudence dans un environnement politique et international fluctuant et anxiogène. De plus, selon leurs modalités, certaines mesures pourraient freiner l’activité à court terme, ne serait-ce qu’en la désorganisant. Le rendement des mesures de lutte contre la fraude comme celui des réformes structurelles est également incertain. Le rendement de la suppression de deux jours fériés serait affaibli si la mesure conduit à augmenter la fiscalité du travail, comme l’avait fait la "journée de solidarité". Enfin, la suppression d’aides aux entreprises pourrait avoir des effets plus ou moins important sur l’activité économique: le CIR (crédit impôt recherche) constitue un élément d’attractivité important pour les entreprises, notamment industrielle, dans un environnement mondial concurrentiel.
Associer, comme l'a fait François Bayrou, le redressement des comptes publics avec la relance de la production relève de la bonne politique économique, d’autant que la France dispose d’un potentiel productif sous exploité.
Le déficit de quantité de travail, tant en taux d’emploi qu’en heures travaillées par personne en emploi, représente selon nos estimations plusieurs points de PIB mobilisables à long terme. La suppression de deux jours fériés compte parmi les solutions au déficit d’heures travaillées par les personnes en emploi parmi d’autres pistes qui mériteraient d’être discutées (monétisation des RTT et des congés payés, incitation au recours aux heures supplémentaires ou complémentaires par les employeurs). Les annonces de futures réformes, qu’il faudra concrétiser, de l’assurance chômage, du droit de travail, des revenus de solidarité, du financement du modèle social sont autant de leviers utiles pour mobiliser davantage le travail.
Un angle mort demeure dans le plan du premier ministre: une nouvelle étape nécessaire dans l’allongement de la durée de la vie active, en miroir de celui de l’espérance de vie.
Le plan présenté par le Premier ministre manque cependant de vision de moyen terme, ce qui affaiblit sa portée. Simplifier, investir dans l’énergie décarbonée pilotable et peu chère, amener l’épargne vers les investissements risqués et innovants, développer les compétences scientifiques, accompagner nos points forts et corriger nos faiblesses à l’exportation sont autant de directions énumérées par le Premier ministre, qu’il faudra organiser, compléter et amplifier dans une stratégie de l’offre. Le plan ignore aussi les enjeux de la transition écologique, l'ampleur des investissements nécessaires et la question de leur financement. Une impasse regrettable compte tenu de leur incidence à venir sur l’économie et sur les finances publiques.
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