Focus
Perspectives économiques à court terme
Dans le cadre de sa stratégie de décarbonation, l'Europe prévoit l'instauration en 2027 d'un marché carbone des ménages et des entreprises (ETS 2), distinct de l'ETS 1 dédié depuis 20 ans aux secteurs industriels énergivores. Ce marché permettrait d'harmoniser le signal-prix sur les carburants fossiles (essence, diesel, fioul, gaz) dans l’UE. Le coût pour les entreprises et les ménages relève d'une équation à plusieurs inconnues: prix du carbone, substitution ou superposition à la taxe carbone nationale, montants des compensations. Nous explorons plusieurs scénarios pour la France.
L’Europe s’apprête avec l’ETS 2 à étendre le principe du marché du carbone aux émissions des ménages et des entreprises. Ce mécanisme, qui pourrait se substituer à des dispositions nationales très hétérogènes, dont les taxes carbones, a le mérite d'instaurer un signal-prix harmonisé à l'échelle de l’Union européenne. Le renchérissement des énergies fossiles (essence, diesel, fioul, gaz…) qui sera répercuté par les distributeurs de carburants, devrait inciter ménages et entreprises à investir dans des alternatives bas carbone, pour leur usage du transport routier et des bâtiments principalement.
L'évolution du prix du quota carbone est soumise à une forte incertitude. Des mécanismes de contrôle des prix sont prévus, notamment un "plafond souple" initialement fixé à 45€/tCO2, mais leur portée demeure limitée, rendant l'ampleur de l'incitation difficile à anticiper.
L'articulation avec la fiscalité carbone existante sera cruciale. Pour la France, cette incertitude est doublée d'une question politique structurante encore non tranchée : celle de l'articulation avec la fiscalité nationale (composante carbone de la fiscalité sur l'énergie à 44,6 €/tCO2). Le choix entre une substitution, qui limiterait les effets pour les ménages et les entreprises, et une superposition, qui en augmenterait les incidences, reste à faire.
Nous avons calculé les surcoûts en France dans différentes configurations. A titre d'exemple, pour un prix ETS 2 de 50 €/tCO2 qui viendrait s'ajouter à la composante carbone, le surcoût serait de 4,8 Md€/an pour les ménages et de 4,2 Md€ pour les entreprises. Dans le cas d'une substitution complète de l'ETS 2 à la composante carbone, le surcoût serait ramené à 0,5 Md€ pour les entreprises comme pour les ménages.
Des mesures de compensations pourraient annuler le surcoût pour un spectre plus ou moins large de ménages et d'entreprises.
Les revenus générés par les enchères ETS 2 offrent en théorie les moyens de financer des compensations ciblées et de préserver l’acceptabilité sociale du dispositif sans forcément en réduire le caractère incitatif. L’ampleur de ces recettes est toutefois incertaine et les modalités précises de leur utilisation à définir.
Dans l'hypothèse de prix de 50 €/tCO2, le revenu des enchères serait de l’ordre de 40 Md€ par an à l'échelle européenne. Une partie sera fléchée vers les plus vulnérables au travers du Fonds Social pour le Climat (FSC). Le restant sera réparti entre Etats membres, dont environ 6,5 Md€ pour la France.
Compenser entièrement le surcoût supporté par les ménages des trois premiers déciles de l'échelle des revenus représenterait une dépense de 1,2 Md€ (2,1 Md€ pour les cinq premiers déciles), sachant que ce surcoût croît avec le revenu. Une compensation qui bénéficierait à 1/4 des entreprises représenterait une dépense d’environ 1 Md€, le double pour la moitié des entreprises.
Selon les choix qui serait effectués en matière de ciblage en France, les compensations pourraient donc représenter environ la moitié de revenus d’enchères perçues par l'Etat, dans l'hypothèse d'un ETS 2 à 50€/tCO2.