Focus
Perspectives économiques à court terme
Les résultats de notre système éducatif sont bien documentés par les enquêtes internationales, PISA ou TIMSS, qui confirment depuis plusieurs années un fort décrochage des compétences des élèves français. En revanche, les moyens réels dédiés à l'enseignement le sont moins, le budget de l'Education intégrant une subvention implicite des pensions de retraite. Une clarification serait bienvenue à l'approche des arbitrages très serrés du Budget 2026.
La difficulté que nous éprouvons depuis longtemps à transformer en résultats tangibles les moyens nouveaux attribués à la mission d’éducation devrait en cette année hyper tendue animer la discussion budgétaire au parlement. Gageons qu’il n’en sera rien.
Pourtant, nous disposons depuis 2000 grâce au Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’OCDE d’un outil irremplaçable pour situer le niveau de performance de notre système éducatif. Il teste les compétences des élèves de 15 ans et nous situait à la 14e place en lecture en 2000, seulement à la 29e en 2023 ; à la 9e place en mathématiques en 2000, à la 26e en 2023 ; en sciences, nous sommes restés stables (24e/26e).
Ce décrochage n’est pas imputable à des considérations méthodologiques – PISA opère depuis un quart de siècle désormais – ou à un problème de perception. À la différence d’autres pays nous comptons sans doute moins sur nos performances scolaires pour assurer notre croissance économique et notre cohésion sociale future.
Par ailleurs, des études complémentaires telles que TIMSS sur les performances des élèves de CM1 et de 4e au collège montrent qu’en mathématiques nous nous classons systématiquement parmi les cinq derniers pays. La France se situe sous la moyenne des pays de l’OCDE comme des autres pays de l’Union européenne.
Nous comptons 3% d’élèves au niveau le plus avancé en mathématiques contre une moyenne internationale de 11%. Les élèves aux niveaux les plus élevés représentent en France 20% d’une cohorte contre 34% dans les autres pays! Faut-il comprendre d’un tel écart que le vivier des ingénieurs et des spécialistes de l’intelligence artificielle aurait vocation à être d’un peu plus de la moitié de celui de la plupart de nos compétiteurs?
Cette contre-performance est-elle strictement affaire de moyens ? De prime abord, pas nécessairement. En tenant compte des critères de l’OCDE, la dépense éducative de la France était de l’ordre de 5,4% de son PIB en 2021, nous situant un peu au-dessus de la moyenne des autres pays (4,9%).
Deux modulations doivent cependant être apportées. La population en âge de scolarisation est bien plus importante en France: les personnes comprises entre les deux bornes d’âge de la scolarité obligatoire en France représentent 16,7% de la population totale. C’est 14,4% dans l’UE en moyenne.
Ensuite, la dépense publique d’éducation intègre les pensions de retraites des personnels de l’éducation nationale et notamment une subvention implicite de l’État qui vise à couvrir le déséquilibre démographique entre salariés et pensionnés de l’éducation nationale. L’Institut des Politiques Publiques a estimé à 0,4 point de PIB l’impact de cette subvention qui pèse sur le budget de l’éducation nationale sans être stricto sensu une dépense d’éducation.
En France, la dépense par élève du Primaire est inférieure de 19% à celle de l’OCDE, une fois retirée la subvention des pensions de retraite
Double conséquence de ces deux modulations, la dépense par élève, pour le seul niveau primaire et corrigé de cette subvention, est inférieure de 19% à celle de l’OCDE. Et la rémunération nette d’un professeur agrégé débutant a perdu près de 40% relativement au SMIC en l’espace de 30 ans ainsi que le relevait Jacques de Larosière en 2024 dans son ouvrage "Le déclin français est-il réversible ?".
Dans un tel contexte et alors que la dynamique des dépenses de retraite de l’État va continuer de progresser, le budget de l’État restant prisonnier des choix de gestion passés, il sera difficile de susciter le choc d’attractivité en faveur du métier d’enseignant. Le pire est, par exemple, à craindre pour le recrutement de bons professeurs de mathématiques, diplômés d’un master dans cette discipline.
Une première étape pour bien saisir l’enjeu des moyens déployés au service de l’éducation pourrait consister à communiquer, à l’instar de ce qui est fait pour les dépenses militaires, sur ce qui relève strictement de la dépense publique "active" d’éducation plutôt que sur une masse globale de dépenses qui mêle les pensions et les moyens dédiés strictement à l’éducation des élèves.