Selon la Banque centrale européenne, la dépendance de la zone euro aux terres rares chinoises ne se limite pas aux seules exportations directes depuis la Chine, principal producteur de ces intrants stratégiques. Indirectement, une politique commerciale chinoise agressive de restrictions de l’approvisionnement aux entreprises américaines pénaliserait fortement les secteurs de l’industrie et de l’énergie en Europe.

Le 4 avril 2025, la Chine a annoncé des mesures de restrictions sur les exportations de terres rares, en représailles à la hausse des droits de douane que lui ont imposés les États-Unis. Or, la Chine domine le marché mondial des terres rares, avec 95% de la production mondiale.

La zone euro fortement exposée à des interruptions des exportations chinoises de terres rares

Un encadré du Bulletin économique de la BCE de septembre montre que la zone euro est fortement exposée aux risques inflationnistes et économiques qu’engendrerait une perturbation des chaînes d’approvisionnement en lien avec les exportations chinoises de terres rares.

 La zone euro est exposée à la fois directement, la Chine fournissant 70% de ses importations de terres rares, et indirectement, les terres rares contenues dans des produits secondaires qu’elle importe d'autres pays provenant en grande partie de Chine. Les industries manufacturières (automobile, électronique) et le secteur de l'énergie sont particulièrement exposés.

"Des pénuries d’approvisionnement en terres rares affecteraient des parties importantes du secteur manufacturier et auraient des répercussions négatives généralisées"

L’article identifie les vulnérabilités potentielles des chaînes d'approvisionnement grâce à une analyse de réseau fondée sur la base de données Bloomberg des relations client-fournisseur.   Il rend ainsi compte du tissu de liens industriels existant au niveau mondial entre les fournisseurs chinois de terres rares (et dérivés) et leurs clients en Amérique du Nord, en Europe et en Asie.

Effets en cascade

Selon la BCE, seules quelques entreprises de la zone euro (comme Airbus, BASF) s’approvisionnent directement auprès de fournisseurs chinois. Un-quart des entreprises dépendent d’un seul intermédiaire, "souvent des entreprises technologiques américaines qui fabriquent des produits avec des terres rares fournies par des entreprises chinoises".

"Les entreprises américaines constituent le plus grand intermédiaire central"

Alors que la Chine exploite son quasi-monopole en matière de terres rares comme arme dans les conflits commerciaux, "un arrêt soudain de l’approvisionnement en terres rares des États-Unis par la Chine aurait d’importantes répercussions pour les entreprises de la zone euro en raison de la position centrale des entreprises américaines dans le réseau d’approvisionnement mondial".

> Restrictions sur les exportations chinoises de terres rares : quelle vulnérabilité de la zone euro ?
Banque centrale européenne – Bulletin économique N.6/2025, 25 septembre 2025

Également dans ce Bulletin économique :

> Les impacts macroéconomiques d’une hausse des dépenses de défense : une évaluation fondée sur des modèles
Banque centrale européenne – Bulletin économique N.6/2025, 25 septembre 2025

L'article évalue les effets macroéconomiques d'une augmentation des dépenses publiques de défense dans la zone euro. Il utilise pour cela plusieurs modèles macroéconomiques de la BCE et propose une évaluation comparative des multiplicateurs budgétaires entre les différents modèles. Il identifie également les principaux canaux de transmission qui déterminent l’effet économique d’une augmentation des dépenses de défense. L'effet des hausses planifiées des dépenses publiques de défense serait positif sur la croissance du PIB en volume et modeste sur l’inflation. Une augmentation progressive des dépenses militaires de 1% du PIB sur trois ans est associée à un multiplicateur du PIB sur deux ans de 0,93 et un impact sur deux ans de 0,07 point de pourcentage (pp) en moyenne sur l’inflation mesurée par l’IPCH dans les différents types de modèles. Il existe une forte hétérogénéité entre les modèles, les multiplicateurs du PIB allant de 0,42 à 1,13. 

 

Notes Rexecode sur le sujet :

• La Chine ayant annoncé dès février 2025 la mise en place de contrôles sur les exportations de cinq minéraux critiques utilisés dans les industries vertes et de défense, Rexecode s’est penché en mars 2025 sur "Le risque d’un nouveau choc sur les approvisionnements en provenance d’Asie". "Au regard de l’imbrication des chaînes de valeurs et de la concentration de ces ressources critiques en Chine, le contrôle voire l’interdiction de certaines exportations chinoises peut s’avérer très pénalisante" concluait Célia Colin dans La lettre de Rexecode (réservée aux adhérents).

• "Que faut-il attendre du réarmement européen ?" C'est la question à laquelle Paul Berthier a tenté de répondre en juin 2025 dans une note de fond (Analyse et Diagnostic réservé aux adhérents). Alors que beaucoup de membres de l’UE dépendent encore massivement des importations d’armement américain, l’investissement dans la défense européenne nécessitera un financement coordonné. L’impact économique de ce réarmement sera probablement modéré du fait d’un recours substantiel aux importations et des contraintes de production, concluait-il.