Saisie par l’Assemblée nationale à l’occasion du PLFSS 2026, la Cour des comptes juge "préoccupante" la situation des comptes sociaux (hors retraites complémentaires et assurance chômage), dont le déficit atteindra 23 Mds€ en 2025, soit un doublement en deux ans. Malgré l’effort budgétaire important prévu dans le PLFSS 2026, qui repose par ailleurs sur des bases fragiles, le cumul des déficits conduirait à une dette sociale supplémentaire estimée à 110 milliards d’euros en 2029.

A l’occasion de l’examen du projet de loi de financement pour la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 et à la demande de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes analyse la situation financière de la sécurité sociale, actualisant ainsi son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale publié en mai 2025. Son analyse porte sur la situation des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss) et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et ne couvre pas l’assurance chômage ni les régimes complémentaires de retraite.

Doublement du déficit de la sécurité sociale entre 2023 et 2025

La Cour souligne que le déficit du Robss et du FSV atteindrait 23 Mds€ en 2025 selon le PLFSS pour 2026, en hausse de 7,7 Mds€ par rapport à 2024: entre 2023 et 2025, "le déficit de la sécurité sociale aura ainsi doublé", ce qui "atteste une perte de contrôle de la trajectoire des finances sociales".

"À l’exception de la branche famille, l’ensemble des branches de la sécurité sociale affiche un déficit. Cette situation est liée à la persistance d’un écart structurel entre la dynamique des dépenses et celle des ressources."

Amorce fragile de redressement dans le PLFSS 2026

L'important effort budgétaire prévu dans le PLFSS pour 2026 (11,2 Mds€) est exposé à de fortes incertitudes: les prévisions de recettes reposent sur un scénario macroéconomique "volontariste" et l'effort en dépense est concentré sur un "nombre limité de mesures à fort rendement » (gel de prestations, doublement des franchises, baisses de prix), "ce qui rend sa mise en œuvre plus risquée". Autre risque signalé par la Cour, la suspension de la réforme des retraites, qui avec les mesures de financement, est présentée comme "presque neutre" en 2026. "Le risque est donc élevé qu’en 2026, le solde des régimes sociaux soit, en exécution, une nouvelle fois plus dégradé qu’anticipé".

Des risques de plus en plus élevés sur la trésorerie de la sécurité sociale

Enfin la Cour estime que la trajectoire financière de la sécurité sociale présentée dans le PLFSS 2026 ne se redresse pas à horizon 2029 et que l’accumulation de déficits conduirait une dette sociale supplémentaire de 110 Mds€ en 2029.

Nécessité d’une reprise de la dette sociale par la Cades

Pour éviter de faire peser la gestion de la trésorerie de la sécurité sociale sur l’Acoss et assurer la pérennité du financement de la sécurité sociale, la Cour estime nécessaire une reprise de dette sociale par la Cades, allongeant la durée d’exercice de cet établissement au-delà de 2033 (alors que la dette dont elle a la charge devait s’éteindre au second semestre 2032). Cela "suppose au préalable une trajectoire crédible de retour à l’équilibre de la sécurité sociale".

> La situation financière de la sécurité sociale - Une perspective de redressement fragile en 2026, une impasse de financement préoccupante
Cour des comptes, Communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, 3 novembre 2025

Quelques Notes Rexecode sur le sujet :

> L'agence de notation Moody's a conservé à la dette française son double A, sous perspective négative, même si dans son analyse "tout va dans le sens d’une dégradation", estime Denis Ferrand dans une interview parue dans le Figaro du 27 octobre 2025. Lors du budget 2026, en particulier du PLFSS, comme après les élections de 2027, la France devra rassurer sur sa capacité politique à redresser ses comptes publics, sous peine d'être étouffée par le "nœud coulant de la dette".

> Dans "Finances publiques: où est la cote d’alerte ?" (Lettre de Rexecode du 3 octobre), Denis Ferrand estime la progression tendancielle des dépenses publiques, hors charges d’intérêts, dans une fourchette de 1,2 à 1,6% en volume. Cette dynamique illustre l’absence de mécanismes d’ajustement automatique du système social en France qui en garantirait la soutenabilité à long terme. Conséquence : une augmentation spontanée du poids de la dépense qui vient "consommer" une part de tout effort de rétablissement des comptes publics.

> Dans le cadre d'une audition devant la commission des Finances du Sénat le 22 octobre 2025 portant sur le projet de Budget 2026, Olivier Redoulès a présenté le diagnostic et les prévisions de Rexecode pour la croissance économique et les finances publiques en France. Il a notamment exposé plusieurs scénarios de politique budgétaire avec leur impact sur la trajectoire de la dette publique à moyen terme.

> L’indispensable consolidation budgétaire devrait s’appuyer davantage sur la maîtrise des dépenses publiques que sur la fiscalité, d’une part parce que la "politique de l’offre" n’a pas totalement effacé le choc fiscal des années 2011-2013, et d’autre part parce que le poids des prélèvements obligatoires est nettement plus élevé en France que chez ses voisins européens. C’est ce que montre Olivier Redoulès dans le "Bilan des prélèvements obligatoires en France" (doc travail N.97) paru en juin 2025.

> Le report de l'âge de départ à 64 ans permettrait d’améliorer le solde financier du système de retraite, et surtout, elle aurait un effet positif sur l'activité et les recettes publiques selon les simulations présentées par Olivier Redoulès en avril 2023.