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Repères

Repères de politique économique

Des notes d'actualité sur la politique économique et la transition écologique

Cette série de notes publiques vise à nourrir le débat sur la politique économique et la transition écologique.

Plus courts et en lien direct avec l’actualité que les Documents de travail, les Repères s’attachent à éclairer le débat en formulant des réponses originales aux questions économiques du moment, étayées par des données précises.

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France - La nouvelle Assemblée nationale face au défi de la dette publique

- Juillet 2024

10/07/2024

Michel DIDIER Gilles KOLEDA

La nouvelle Assemblée nationale et le futur Gouvernement de la France ne pourront s'exonérer du passé. En hausse depuis plus de 50 ans, la dette publique a atteint 110% du PIB en 2023. Sa charge creuse mécaniquement le déficit public, qui à son tour augmente la dette, si bien que sa stabilisation exigera un effort important de réduction de la dépense publique dès 2025, a fortiori dans un contexte de croissance faible. Or, la plupart des mesures avancées lors de la campagne électorale ont un coût budgétaire élevé et se traduiraient par un déséquilibre encore plus marqué des finances publiques.

Photo coypright Assemblée Nationale

• Le ratio d’endettement public n’a cessé d’augmenter depuis plus d’un demi-siècle en France. Il dépasse actuellement 110% du PIB.

Le ratio d’endettement public, qui était faible et à peu près stable à moins de 20% jusqu’au milieu des années 1970, tend à augmenter depuis par vagues successives. Son décollage correspond au choc pétrolier et à la rupture de croissance qui a suivi. Le taux de croissance tendanciel de l’économie a été à peu près divisé par 2, passant de 5% par an à 2,5% l’an, et depuis quelques années, à un peu plus de 1% par an

• La dette entraîne la dette. Les charges d’intérêt augmentent avec la dette, elle augmente le déficit, qui alimente à son tour la dette.

Les charges d’intérêt reflètent la montée de l’inflation et des taux d’intérêt des années 1960 jusqu’au milieu des années 1980, puis son reflux jusqu’à la période toute récente, désormais interrompu. Les réactions budgétaires aux chocs économiques occasionnent des pics de déficits de plus en plus marqués (-2,9% en 1975, -3,2 % en 1986, -6,4% en 1993, -7,4% en 2009, -8,9% en 2020) que les gouvernements parviennent de moins en moins à corriger.

Même lorsque le déficit est ramené à moins de 3% du PIB, la dette publique augmente moins, voire se stabilise, mais le poids du passé sur le niveau de la dette n’est pas pour autant effacé. D'autant que les politiques budgétaires n’ont pas de façon générale profité de la baisse des charges d’intérêt pour réduire la dépense mais au contraire l'ont plutôt "recyclée".

• L’accélération du rythme d’endettement public depuis 2017 s’explique pour les deux tiers par les chocs et mesures exceptionnels de 2020-2022.

De fin 2017 à fin 2023, la dette publique au sens de Maastricht augmenté de 839 Md€. C’est la plus forte augmentation en six ans depuis 1960, un peu au-dessus de l’accroissement observé entre 2007 et 2013. Les déficits cumulés de la période 2017-2023 constituent l’essentiel de cette augmentation, le solde résultant de mouvements de trésorerie.

L’accroissement de la dette, soit 770 milliards d’euros, s’explique en partie par les mesures exceptionnelles, en dépenses et en recettes, mises en oeuvre pour répondre à la pandémie de Covid-19, puis au choc des prix du gaz et de l’électricité après le déclenchement de la guerre en Ukraine.

• La nouvelle Assemblée Nationale devra faire face au défi de la dette. Pour éclairer les orientations possibles, quatre scénarios illustrent des évolutions possibles selon les hypothèses économiques envisagées.

- Dans l’hypothèse de la poursuite de la croissance au rythme tendanciel de 1% par an (scénarios 1 & 2), sans réduction de la dépense (scénario 1), la dette publique augmenterait une nouvelle fois de 1000 milliards au cours de la législature. La stabilisation du ratio d’endettement ne pourrait être obtenue qu’au prix d’une réduction de la dépense publique de 60 milliards d’euros dès 2025 (scénario 2). La hausse du taux de prélèvements obligatoires au delà de 44% aurait quant à elle un impact négatif sur la croissance comme on l'a constaté en 2012-2013.

- Une croissance annuelle de 1,5% (scénario 3) à 2,0% (scénario 4) permettrait de stabiliser la dette à 110% du PIB et de dégager des marges supplémentaires (de respectivement 50 Md€ ou 100 Md€ à horizon 2029 dans le scénario 1 ou 2) afin d’ investir pour la décarbonation notamment . Les politiques économiques rendant possibles de tels scénarios ont été esquissées dans Faire de la décarbonation un levier de croissance (Rexecode, document de travail, avril 2024).

Dans les limites d’une croissance faible, il est illusoire d’espérer stabiliser la dette publique, dépenser pour la transition climatique et augmenter le pouvoir d’achat. Il reviendra aux instances politiques de choisir les priorités, aux économistes de s’assurer de la cohérence entre les moyens et les objectifs, et de préciser le contenu d’une politique de croissance.

France - Pourquoi l'excédent commercial de l'industrie pharmaceutique a fondu en 2023

- Juin 2024

25/06/2024

Le secteur pharmaceutique est stratégique pour l’économie française. La chute de son excédent commercial en 2023, prolongeant une descente amorcée en 2020, est probablement liée en partie à des facteurs exceptionnels. Pour autant, cette contre-performance pose la question de la compétitivité de l'industrie du médicament en France dans un moment de recomposition du paysage industriel mondial.

Photo de Towfiqu barbhuiya sur Unsplash

Le secteur pharmaceutique est stratégique pour l’économie française. Sur le plan industriel, il combine un fort contenu en innovation, une capacité à dégager structurellement des excédents de commerce extérieur, combinée a un maintien des effectifs salariés durant les dernières décennies. Sa production revêt une dimension de souveraineté que la pandémie de Covid-19 a brutalement illustré en 2020. Enfin, sa contribution à la santé publique lui donne une dimension sociétale forte.

En 2023, l’excédent commercial de la France en produits pharmaceutiques s’est effondré, après avoir fortement baissé depuis 2020.

Le solde des échanges de produit pharmaceutiques s’est établi à 400 millions d'euros en 2023, contre 4 milliards d'euros en moyenne par an sur la période 2015-2019. La chute de l’excédent en produits pharmaceutiques fait légitimement craindre le franchissement d’un point de bascule pour cette industrie, comme la France l’a connu pour d’autres secteurs. L’automobile par exemple à partir de 2004.

Un redressement se dessine en 2024 après une chute concentrée sur certains produits.

Les informations disponibles sur les premiers mois de 2024 laissent néanmoins espérer un redressement assez net de l’excédent. La chute de l’excédent en 2023, localisée sur une catégorie de produits, pourrait résulter des facteurs exceptionnels liés à la crise sanitaire et des perturbations qui ont touché les chaînes de production en 2022 et 2023. Les pénuries de médicaments ont pu être amplifiées par un contexte de demande très dynamique et de déficit d’offre, qui a nécessité de recourir plus massivement aux importations.

Mais l'attractivité et la compétitivité de l'industrie pharmaceutique française est aussi en question

Ce diagnostic rassurant demande néanmoins à être confirmé au cours des mois et années à venir, la dégradation pouvant aussi refléter des faiblesses plus structurelles. En effet, l’industrie pharmaceutique est un secteur clé pour l’économie française dont l’attractivité s’est érodée au cours de la période récente, notamment sous l’effet de la régulation des prix de médicaments visant à minimiser la dépense budgétaire.

Des inflexions positives ont été annoncées par le Gouvernement fin 2023, dont les effets doivent encore se matérialiser, dans une politique de régulation qui reste à refonder. L’importance du secteur pour la souveraineté de la France et la santé de la population demande d’assurer les conditions de sa compétitivité.

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