La France a pâti d'une désindustrialisation plus forte que chez ses voisins européens depuis les années 1970. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) formule dans une étude des propositions pour créer un cadre fiscal et social stable et prévisible favorable aux investissements industriels. La poursuite de la réduction des impôts de production y figure en bonne place, et en premier lieu la suppression de la C3S.

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) analyse dans un rapport intitulé "Tracer un cadre fiscal et social pluriannuel pour l’industrie française" les causes de la désindustrialisation de la France depuis les années 1970 et formule des propositions fiscales en chiffrant leurs effets sur les finances publiques, le développement des entreprises et notamment le secteur industriel.

Confirmer la trajectoire de baisse de la pression fiscale dans un cadre pluriannuel

Le CPO note que la fiscalité n'est pas le levier principal de la décision d’investir, l'accès aux réseaux de transports, le coût de l'énergie, la disponibilité de terrains adaptés, les compétences de la main d'œuvre locale jouant un rôle décisif. Pour autant, l’effort d’allègement fiscal visant à améliorer la compétitivité industrielle mérite d’être poursuivi.

Certes l’impôt sur les sociétés a baissé depuis 2017, de même que les impôts de production qui pèsent particulièrement sur l’industrie. Le taux implicite moyen d’imposition des bénéfices des entreprises industrielles avant crédits d’impôts est ainsi passé de 23,2 à 17,5% entre 2016 et 2022, soit une baisse de 5,7 points. Mais ce progrès a été fragilisé par la création dans le budget 2025 d'une taxe "exceptionnelle" sur les bénéfices des grands entreprises (qui rapporterait de l'ordre de 1,7 Mds€ en 2025, selon le CPO). Une taxe qui pourrait être renouvelée dans le Budget 2026.  Dans ce contexte, le CPO recommande d’inscrire l’effort d’allègement fiscal à partir de 2027 dans le cadre pluriannuel de la loi de programmation des finances publiques.

Une suppression financée de la C3S, impôt de production le plus néfaste

Le CPO préconise de supprimer la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises et de réduire les niches fiscales les moins efficientes. Surtout, il privilégie la suppression de la C3S (contribution sociale de solidarité des sociétés) plutôt que celle prévue de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Car la C3S présente les effets distorsifs les plus importants sur l'activité des entreprises, et pénalise particulièrement la compétitivité des entreprises industrielles. L'effet net de la suppression de la C3S serait de -4,4 Mds€ sur les entreprises (dont -1 Md€ sur l'industrie), contre -3,3 Mds€ pour la suppression de la CVAE (-848 M€ sur l'industrie).

Pour financer la suppression de la C3S, le CPO recommande de supprimer les régimes fiscaux et sociaux dérogatoires relatifs aux heures supplémentaires, "qui bénéficient peu à l’industrie et dont les effets d’aubaine sont avérés". Au total, une suppression de la C3S compensée par la remise en cause des régimes fiscaux et sociaux dérogatoires sur les heures supplémentaires aurait un effet favorable sur l'industrie jusqu'à 1Md€ (près de 4,5 Mds sur l'ensemble des entreprises) et serait quasiment neutre pour les finances publiques.

Synthèse par la Doc de Rexecode, accès ci-dessous.

> Tracer un cadre fiscal et social pluriannuel pour l’industrie française
Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, 22 septembre 2025
Cinq études préliminaires (« rapports particuliers ») accompagnent le rapport synthétique du CPO.

Voir aussi :

Une étude de l’Institut des politiques publiques, élaborée dans le cadre d’une convention de recherche avec le CPO dans le cadre de l’élaboration du rapport présenté ci-dessus, vise à mesurer l’impact des baisses successives relatives aux impôts de production dans le secteur de l’industrie en France, en se concentrant sur les réformes récentes suivantes : la conversion de la taxe professionnelle en CVAE, la diminution de la CFE, de la CVAE et de la CET (contribution économique territoriale), les allègements de cotisations sociales employeurs. Elle mesure à la fois le poids direct de la fiscalité (les prélèvements obligatoires) et ses effets indirects, en modélisant l'impact de la fiscalité française sur les prix tout au long de la chaîne de valeur.

> Réindustrialisation et prélèvements obligatoires en France
Institut des Politiques Publiques, Rapport N°58, 22 septembre 2025

 

Quelques notes Rexecode sur le sujet

> Le Front économique, initié par le Medef, a réuni des économistes et chefs d’entreprises pour livrer 35 propositions de réformes en  faveur de l’innovation et de la production. Ces propositions sont présentées dans une tribune du Grand continent du 29 août 2025.

> Alors que la position de la France en matière d'emploi et de production dans l'industrie en zone euro est stabilisée, le tassement des indicateurs d’attractivité doit alerter sur la solidité des acquis récents en matière de réindustrialisation, prévient Olivier Redoulès dans La compétitivité de la France en 2024 (Document de travail, 13 février 2025).

> Dans Prélèvements sur l’industrie : l’alignement inachevé de la France sur la moyenne européenne (Repères de politique économique du 3 octobre 2024, réservé aux adhérents), Olivier Redoulès soutient que si la réindustrialisation paraît amorcée, l’effort doit être maintenu.