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La lutte contre le chômage doit s’inscrire dans une stratégie globale de croissance et de compétitivité

- Le Monde Idées, 18 janvier 2017

19/01/2017

Emmanuel JESSUA

La lutte contre le chômage est un enjeu trop sérieux pour reposer sur la seule politique de l’emploi. Elle doit s’inscrire dans une stratégie plus globale de croissance et de compétitivité, indispensable pour conjuguer retour au plein-emploi et amélioration du pouvoir d’achat des Français.

En France, le chômage de masse a des racines profondes

Certaines relèvent de dysfonctionnements déjà bien identifiés du marché du travail et des politiques de l’emploi : salaire minimum le plus élevé des pays de l’OCDE en proportion du salaire médian et qui complique notamment l’insertion des jeunes peu qualifiés, complexité croissante du droit du travail, difficulté à ajuster les salaires en cas de difficultés économiques, système de formation professionnelle et service public de l’emploi peu efficaces par comparaison avec le nord de l’Europe, etc.

Mais on ne peut poser la question de retour au plein-emploi indépendamment des performances macroéconomiques de l’économie française, c’est-à-dire de sa capacité à croître et à s’insérer efficacement dans la compétition internationale. Or, les anomalies mentionnées plus haut s’inscrivent dans un contexte de dégradation continue de la compétitivité française par rapport à ses partenaires de la zone euro depuis plus de quinze ans.

• Le fil rouge : la compétitivité

- Depuis 2000, la part de nos exportations de biens et services dans les exportations de la zone euro est passée de 17% à 13%, tout comme la part de la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière française dans celle de la zone euro. Le coût de cette perte de compétitivité est donc très important en termes de croissance et d’emploi : si nous avions conservé nos parts de marchés relativement à la zone euro à leur niveau de 2000, la France enregistrerait un surcroît d’exportations d’environ 170 milliards d’euros par an et son niveau de PIB serait de 5 à 6% supérieur.

- La nécessité d’inverser cette tendance doit constituer le fil rouge de la politique économique et notamment des politiques de l’emploi. Même si les effets positifs seront plus lents à se manifester sur le chômage par rapport à des traitements de court terme, une croissance retrouvée grâce à une structure productive plus efficace et compétitive sera à terme la meilleure garantie de retour au plein emploi. Ainsi, plutôt que de rechercher un effet rapide sur l’emploi en ciblant toujours davantage les allégements du coût du travail sur les seuls bas salaires, au risque d’orienter l’économie française vers des activités à faible valeur ajoutée, il sera nécessaire de baisser le coût du travail sur l’ensemble des salaires.

- De la même manière, une plus grande fluidité du marché du travail par l’assouplissement des règles de licenciement (amorcé par la loi travail ) risque certes de se traduire par une hausse temporaire du chômage, mais permettra d’orienter plus facilement les salariés vers les entreprises les productives et innovantes et donc d’augmenter durablement les gains de productivité et la croissance.

• Décentraliser la négociation sociale

- Complément indispensable pour évoluer vers une forme de flexicurité, la formation professionnelle devra s’inspirer des modèles allemands et nordiques, par une amélioration de la qualité et du ciblage des formations, afin d’inciter les salariés et les chômeurs à monter en qualification au plus près des besoins des entreprises.

- En prolongement de la loi travail, la négociation sociale devra être davantage décentralisée, afin de permettre à l’entreprise d’adapter les conditions de travail aux évolutions de la conjoncture et de son environnement concurrentiel et mieux assurer une progression des salaires en phase avec la productivité. Les travaux économiques montrent ainsi que plus la négociation s’effectue au niveau de l’entreprise, plus elle est favorable à l’emploi.

- Enfin, d'autres transformations seront nécessaires : lever les freins à l’investissement et renforcer l’attractivité par des réglementations plus simples et lisibles, mais aussi plus stables et mieux proportionnées aux objectifs de politique publique recherchés, lever les freins à la concurrence dans certains secteurs, privilégier l’allégement des prélèvements pesant sur les coûts de production des entreprises, simplifier drastiquement la fiscalité du capital qui n’oriente pas suffisamment l’épargne vers le financement de l’investissement productif et améliorer les performances de la formation initiale.

Par Emmanuel Jessua, directeur des études économiques Coe-Rexecode

Texte complet disponible sur le Monde.fr

 

Ce texte est paru dans le cadre des "Voix de l'économie".

Une série de débats sur les grands enjeux de la politique économique (et de l'élection présidentielle) organisée par le Cercle des économistes et le journal Le Monde.

Le débat du 18 janvier 2017 et portait sur la politique de l'emploi.

Emmanuel Jessua participait à la 2e table ronde sur le thème : "Le plein emploi en France est-il une utopie ?"

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