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"L’emploi public sert à assurer les fonctions essentielles de la puissance publique, pas à se substituer à l’emploi privé"

- Entretiens croisés, l'Humanité, 8/10 juin 2018

08/06/2018

Emmanuel JESSUA

A-t-on trop donné aux entreprises privées pour soutenir l'emploi et la croissance en France ? Le maintien, voire le développement d'emplois publics ne serait-il pas un moyen de lutter contre le chômage ? Emmanuel Jessua répond à L'Humanité sur ces questions touchant au périmètre de l'action publique, au poids de la dépense publique et à ses conséquences pour l'économie et l'emploi.

Compte-tenu du haut niveau du chômage en France et des besoins sociaux,
la suppression d'emplois publics n'est-elle pas absurde ?

L’emploi public, et plus globalement la dépense publique, permet I’exercice de fonctions essentielles de la puissance publique. Ils s’agit de fonctions que le secteur privé ne pourrait pas assumer ou pas aussi efficacement comme les missions régaliennes (défense, sécurité, justice, administration générale), la redistribution, les politiques publiques (environnement, culture, logement…). Il s’agit également de fonctions que la société juge devoir être en grande partie assurées par I’Etat pour des raisons à la fois d’efficacité et d’équité (éducation, retraites, santé).

C’est dans l’exercice de ces missions que I'emploi public trouve sa justification. En revanche, iI serait dangereux d’assigner à I’emploi public un objectif de réduction durable du taux de chômage.

Les politiques de soutien aux entreprises privées
sont-elles la seule voie possible pour développer l’emploi ?

- La dépense et I’emploi publics ne peuvent augmenter de manière disproportionnée par rapport à notre PIB et à notre population active. La France se caractérise déjà par le ratio de dépense publique par rapport au PIB le plus élevé de la zone euro (56,5% du PIB en 2017 contre 43,9% en Allemagne et 47,1% en moyenne en Europe).

Pour assurer la soutenabilité de son endettement public la France affiche de manière symétrique le taux le plus élevé de prélèvements obligatoires (48,3 % en France, contre 40,7% en Allemagne et 41,5 % en moyenne dans la zone euro). Or ce poids élevé des prélèvements obligatoires a dégradé la compétitivité de l'économie française au sein de la zone euro.

- Depuis le début des années 2000, la France est, parmi les principales économies européennes, celle qui a perdu le plus de parts de marché à l'exportation et dont la part de l’activité industrielle au sein de la zone euro a le plus reculé. Ces pertes ont pesé durablement sur la croissance, l'emploi et la cohésion territoriale C'est ce constat qui a incité le précèdent gouvernement à mettre en œuvre le CICE et le Pacte de responsabilité pour améliorer la compétitivité-coût (l'ajustement du taux de change étant impossible au sein de la zone euro), et pour augmenter durablement la croissance et l'emploi.

- La poursuite de la baisse des prélèvements obligatoires ne sera toutefois soutenable que si elle s'accompagne d'un effort global d'économies plus important, qui n'interdit pas que certaines dépenses publiques soient préservées ou accrues (santé, éducation, par exemple). S'agissant des transferts sociaux, un allongement progressif de la durée de cotisation pour la retraite présenterait plusieurs avantages Elle permettrait, en reculant l'âge effectif de départ à la retraite (le plus bas de l'OCDE), de réduire les dépenses de retraite sans réduire l'emploi public et en augmentant durablement la population active, donc le potentiel de production de l'économie.

Quelles sont selon vous les mesures les plus efficaces
pour relancer l’emploi et l'économie?

Parallèlement à la nécessaire amélioration de la compétitivité coût, une plus grande efficacité des formations initiale et professionnelle, sur lesquelles le gouvernement engage des réformes, sera cruciale pour diminuer le chômage et surtout pour éviter l’inscription durable d’une frange de la population aux frontières de I emploi et du chômage. L'Allemagne a aujourd'hui un taux de jeunes hors emploi, formation et éducation de 10% pour les 15-29 ans contre 15% en France. Elle doit ce succès en particulier à un système efficace d'apprentissage, dont il est urgent que nous nous inspirions.

Entretiens croisés menés par Jérôme Skalski

L'article complet, "L'emploi privé seul remède contre le chômage ?" avec les points de vue de Nasser Mansouri-Guilani (économiste) et Anne Eydoux (membre des économistes atterrés) est disponible en kiosque et sur le site de l'Humanité (accès réservé)

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