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Délocalisation des profits des multinationales dans des paradis fiscaux : un impact significatif sur les gains de productivité en France (Bricongne et al.)

Productivity slowdown and tax havens: where is measured value creation? – Sciences Po, avril 2022 – synthèse sur le blog ofce, 31 mai 2022

07/06/2022

Selon une étude lancée dans le cadre du Conseil National de Productivité et dont la version la plus récente a été publiée dans un document de travail du département d’économie de Sciences Po, la délocalisation par les multinationales d’une partie de leurs actifs (notamment intangibles) ou de leurs revenus vers des pays à fiscalité avantageuse aurait des répercussions sur la mesure de la productivité. Ainsi en France, sans l’implantation de multinationales dans des paradis fiscaux, la croissance annuelle de la productivité agrégée aurait été plus forte, de près de 10 %.

Pour bénéficier d’une fiscalité plus attractive, des multinationales délocalisent une partie des revenus plutôt que des activités, en utilisant d’une part leur implantation dans des juridictions à basse fiscalité, et d’autre part la délocalisation croissante de leurs actifs intangibles (brevets, propriété intellectuelle…) ou la manipulation des prix de transfert. Cela peut avoir des répercussions sur certaines statistiques officielles (exportations, valeur ajoutée et productivité notamment).

Une étude lancée dans le cadre du Conseil National de Productivité, et dont la version la plus récente est publiée dans un document de travail du Département d’économie de Sciences Po, examine comment ces stratégies d'optimisation fiscale des entreprises multinationales peuvent distordre leur productivité dans un pays à haute fiscalité comme la France.

L’étude confirme une baisse de la productivité en France après implantation dans un paradis fiscal au niveau de l’entreprise et en agrégé.

Les auteurs utilisent des données individuelles d’entreprises (comptables, d’emploi et de salaires) sur la période 1997-2015, combinées avec les liens capitalistiques entre sociétés (base LIFI - Liaisons financières - de l’Insee, indiquant les liens au sein d’un groupe, entre maison-mère et filiales et leur zone de rattachement, domestique ou étrangère).

L’étude met ainsi en évidence au niveau de l’entreprise une baisse de 3,5 % de la productivité du travail et de 1,3 % de la productivité globale des facteurs (PGF) en moyenne sur la période, "très probablement" grâce au transfert des bénéfices et non à cause d’une baisse effective de productivité du fait de l’implantation à l’étranger.

La chute est particulièrement marquée pour les entreprises intensives en actifs intangibles. L’impact est en moyenne de -4,1 % sur la productivité du travail et de -1,5 % sur la PGF pour les multinationales fortement intensives en actifs immatériels, contre respectivement -2,7 % et – 0,9 % pour les moins intensives.

Pour quantifier le rôle de l’optimisation fiscale des multinationales sur le ralentissement des gains de productivité au niveau agrégé en France, les auteurs évaluent le poids dans la valeur ajoutée totale des multinationales présentes dans un paradis fiscal, ainsi que la perte de productivité liée à cette implantation, calculée à partir de la méthode des doubles différences. Ils estiment que sans cette implantation des multinationales dans un paradis fiscal, la croissance annuelle de la productivité agrégée du travail en France aurait été plus forte de 9,7 % entre 1997 et 2015.

Cette baisse de productivité serait marquée par de forts effets dynamiques. Notamment, plus la présence dans un paradis fiscal est longue, plus la baisse de productivité est importante : après dix ans de présence dans un paradis fiscal, la productivité du travail de l’entreprise en France chuterait en moyenne de 11,7 % par rapport à la période avant l’implantation, estiment les auteurs.

Synthèse réalisée par le service Documentation de Rexecode, cliquer sur le lien ci-dessous pour accéder au document.

Productivity slowdown and tax havens: where is measured value creation?
Jean-Charles BRICONGNE (Banque de France), Samuel DELPEUCH (Sciences Po Paris), Margarita LOPEZ FORERO (Université d’Evry/Paris-Saclay)– SciencesPo Economics Discussion Paper N°2022-07, avril 2022
Une synthèse en français (31 mai 2022) est disponible sur le blog de l’OFCE

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